la Parenthèse Enchantée

  



Honte à toi qui la première

M’as appris la trahison,

Et d’horreur et de colère

M’as fait perdre la raison !

Honte à toi, femme à l’œil sombre,

Dont les funestes amours

Ont enseveli dans l’ombre

Mon printemps et mes beaux jours !

C’est ta voix, c’est ton sourire,

C’est ton regard corrupteur,

Qui m’ont appris à maudire

Jusqu’au semblant de bonheur ;

C’est ta jeunesse et tes charmes

Qui m’ont fait désespérer,

Et si je doute des larmes,

C’est que je t’ai vu pleurer.

Honte à toi ! J’étais encore

Aussi simple qu’un enfant ;

Comme une fleur à l’aurore,

Mon cœur s’ouvrait en t’aimant.

Certes ce cœur sans défense

Put sans peine être abusé ;

Mais lui laisser l’innocence

Etait encore plus aisé.

Honte à toi ! Tu fus la mère

De mes premières douleurs,

Et tu fis de ma paupière

Jaillir la source des pleurs !

Elle coule, sois-en sûre,

Et rien ne la tarira ;

Elle sort d’une blessure

Qui jamais ne quérira ;

Mais dans cette source amère

Du moins je me laverai,

Et j’y laisserai, j’espère,
                            
                                                    Ton souvenir abhorré.


                                                       
Poème d'Alfred de Musset.

 

 

 

 

 

 

Jeu 14 aoû 2008 Aucun commentaire